Marie-Hélène a découvert au début de la vingtaine qu'elle était atteinte d'un trouble d'anxiété généralisée, un diagnostic qui a mis des mots sur des bouleversements qu’elle ressentait depuis longtemps. Elle a depuis appris à mieux comprendre son état et à vivre avec celui-ci.
Elle en parle aujourd’hui pour sensibiliser le public à la réalité vécue par les personnes souffrant de troubles d’anxiété et pour déboulonner les mythes qui entourent ce type de maladie.
*Présenté avec la permission des auteures de l'entrevue originale et de l'interviewée. Source : Stratis, Carolane et Stratis, Josiane, « Marie-Hélène, 22 ans : Ton petit trouble d’anxiété généralisée », Ton petit look II : Les filles sont-elles folles?, Montréal, Cardinal, 2017, p. 42-43.
L’auteure Clara Lagacé s’est approprié le témoignage de Marie-Hélène afin d’en faire un poème, en déplaçant des éléments du texte original, ainsi qu'en rayant des mots et en y insérant de nouveaux. Le résultat de sa démarche est ainsi une réinterprétation en vers libres de la parole de Marie-Hélène. L’absence de ponctuation et le rythme saccadé du poème créent une impression de tumulte qui reflète l’effet de l’anxiété sur la pensée.
i. s’observer
du temps parce que quelque chose clochait du temps parce que
j’étais toute pognée en dedans du goudron sur ma vision du
goudron dans des foules je n’avais jamais je vivais peut-être
trop empathique trop sensible trop émotive
ii. comprendre l’élément déclencheur
je comprends l’apparition de mes premières crises de panique
réalise mon anxiété constante je ne pense pas qu’il est nécessaire
que tout mon corps et mon coeur explosent petite je pouvais faire
des heures à hurler en suffoquant en hoquetant dans une énorme
boîte grise me frapper les tempes clairement geste répété plus
violemment j’avais peut-être huit ans calmer toute cette anxiété
avec du bitume refaire surface dans cette boîte grise vers
dix-neuf ans panique je tremble deux ans et entre
mes crises de plus en plus je finis les yeux injectés de sang et de
velours dans la minuscule cuisine de mon appartement couteau à la
main fourchette entre les côtes je veux m’ouvrir le ventre me
déverser sur le plancher tout le goudron que j’ai en moi attendre
que je m’endorme d’épuisement
iii. se diagnostiquer encore
comprendre ce pas commun dès lors mon mal le comprendre puis
l’apprivoiser du mieux que je peux de la colère de la colère contre
moi-même vouloir poignarder se jeter en bas des rayons du
magasin juste parce que
iv. le dressage
mon cerveau a la capacité de faire des milliers de choses pis je vis
bien le choix d’apprendre à apprivoiser ce genre de partie de moi
v. faire son traitement
j’ai décidé au besoin lors de sa présence de commencer une crise
dans le métro par exemple de nombreuses fois cette petite béquille
était dans ma sacoche j’aurais pu prendre beaucoup de trucs pour
m’aider à me calmer je finis souvent par boire plus que je ne le
devrais je draine ma vie de son ombrage
vi. faire sa lessive
certaines de mes crises sont de glorieux moments en état de
dépersonnalisation en sang quelque chose d’épuisant je me
retrouve souvent lessivée à la fin de ma journée accrochée sur ma
corde à linge pendouillant au-dessus de la ruelle
vii. tu parles, maladie?
oui et non étrangement le silence virtuel lui donne du courage en
personne elle est plus discrète de vive voix les gens ne semblent
pas croire à un combat à reculons contre d’immenses torrents
intérieurs il faut surtout déconstruire chaque jour et
éviter la corde à linge on a une muselière les troubles
mentaux chez les folles je ne sais pas quoi vous dire
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